Vaccin : doute, défiance, complotisme… quel est le rôle de l’État français ?

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Odoxa révélait après un sondage réalisé début janvier que la majorité des Français restait réfractaire à 58% au vaccin contre le covid-19. Depuis le début de la pandémie, la scission entre vaccino-sceptiques et personnels de santé n’a cessé de croître. En prononçant des discours contradictoires d’un mois à l’autre : « il ne sert à rien de porter un masque » puis « il est désormais obligatoire de porter un masque », l’État français n’aurait-il pas manqué à son rôle d’État ? N’aurait-il pas échoué dans sa campagne de vaccination et dans sa politique d’information ? 

Parmi ces 58% de réfractaires au vaccin, les arguments sont les mêmes : « nous n’avons pas assez de recul sur le vaccin », « nous ne savons pas ce qui nous est injecté » etc., les vaccino-sceptiques sont parvenus à convaincre bon nombre de français -et à se convaincre eux-mêmes que le vaccin contre le covid-19 n’était pas digne de confiance. 

Angelle a 24 ans et est assistante sociale en Seine-Saint-Denis (93), elle raconte qu’elle a grandi dans une famille contre les vaccins « en général » mais affirme que celui contre le covid-19 lui fait particulièrement peur : « Je n’ai pas envie de m’injecter quelque chose dans le corps alors qu’on ne connait pas les effets indésirables (…) on manque de recul ». 

J’ai l’impression que globalement, on a été mal informés

Mais au-delà d’exposer son opinion, Angelle soulève un problème : « J’ai l’impression que globalement, on a été mal informés ». On ne peut exiger d’une population qu’elle valide la vaccination si dès le début, la crise sanitaire a été gérée telle que la France l’a gérée. Si l’ancien Premier Ministre Édouard Philippe prononçait le 13 mars 2020 à TF1 que : « le port du masque, en population générale dans la rue, ça ne sert à rien », il affirmait à l’Assemblée nationale un mois plus tard le 28 avril 2020 qu’« il sera préférable dans de nombreuses circonstances de porter un masque ». Voilà ce qui a eu de quoi semer le trouble, le doute mais ce qui a surtout permis de camoufler la pénurie de masque dont le gouvernement était responsable. 

 En pointant du doigt les Hauts fonctionnaires qui seraient « tétanisés » face à cette crise, Jean-Louis, médecin urgentiste d’une soixantaine d’années en médecine intensive en Charente-Maritime (17) dénonce un « problème d’information » et « une campagne de vaccination ratée ». Il regrette par ailleurs « le manque d’exemplarité » de « toutes les Pythies » de la santé surmédiatisées durant les mois de mars/avril et se demande « pourquoi ils n’ont pas prôné la vaccination eux ? ».

 « Malgré une lenteur apparemment assumée », Jean-Louis constate que la France a pris « un retard considérable » sur les autres pays. Si la France comptait en effet environ 90 000 doses administrées le 9 janvier, nos voisins italiens et allemands en comptaient 600 000. 

Les gens ont été mal informés. On ne leur a pas dit qu’on travaillait depuis longtemps sur [cette nouvelle technologie] de vaccins

En constatant l’échec de la campagne de vaccination en France, Jean-Louis remarque qu’« on a manqué à plusieurs niveaux ». La réticence des Français à se faire vacciner est sûrement le résultat du fait « qu’on n’a pas expliqué aux gens qu’on travaillait depuis longtemps sur [cette nouvelle technologie] de vaccins ». Le médecin urgentiste comprend et entend les doutes des Français. Il tient toutefois à préciser que « le vaccin n’a pas été inventé en six mois » mais qu’il résulte de techniques déjà pratiquées depuis une dizaine d’années pour les vaccins contre le cancer.

Ce que les Français auraient attendu du gouvernement, c’est qu’il soit honnête. Qu’il soit honnête dans le fait de reconnaitre d’une part le caractère inédit de cette crise et d’autre part l’incompétence de fait, de gérer une telle crise : « c’est tout cela qui a créé de la confusion, du doute et donc a facilité l’émergence de théories du complot ». Lorsque l’on évoque tous les discours complotistes avec Jean-Louis : la Terre serait surpeuplée et le virus a été fabriqué pour y remédier entre autres, il atteste que « d’un point de vue scientifique, c’est délirant » mais ne juge pas pour autant, tout en rappelant que « c’est à l’État et la société d’agir ».