PONTOISE « PAR NOUS, POUR NOUS » : LES JEUNES DES LOUVRAIS ENGAGÉS DANS LES MUNICIPALES 2020

La crise sanitaire du coronavirus n’a pas refroidi les jeunes du quartier des Louvrais à Pontoise (Val d’Oise) qui n’ont pas rechigné à organiser ce lundi 22 juin 2020 des ateliers collectifs et interactifs afin d’installer un dialogue avec les trois candidats aux municipales Sandra Nguyen Dérosier (PS), Stéphanie Von Euw et Gérard Seimbille (DVD) et les dirigeants des associations locales. L’intérêt était de privilégier des échanges sur cinq thèmes phare : Santé, Sécurité, Éducation, Emploi, Dynamisme déjà passés en revue sur leur page Instagram @nouslajeunesse.pontoise. Ce sont des « promesses non tenues » et des « belles paroles » de la part des municipalités à leur égard dont se plaignent les habitants. Cet évènement a fait ressortir de vieilles rancœurs des jeunes et moins jeunes qui ne se sentent ni écoutés ni entendus lorsqu’ils qualifient Pontoise de « ville morte » dans laquelle l’ennui est au beau fixe malgré son cachet de « ville d’art et d’histoire ». 

Page Instagram du collectif Nous la jeunesse

Page Instagram du collectif Nous la jeunesse

Il est aux alentours de 13h quand la fumée du barbecue fume au synthétique des Louvrais. Quelques jeunes en TN s’échangent deux, trois balles en attendant leur sandwich merguez sauce algérienne. Il fait une chaleur pesante, l’été pointe le bout de son nez, les maillots flashis, les polos Lacoste et les casquettes Gucci aussi. Habituellement c’est l’heure des bruits de motos qui passent entre les bâtiments, mais rarement en « bas de la ville » comme ils aiment appeler la partie de Pontoise qui ne leur ressemble pas. Ce lundi a une autre saveur, à six jours du bulletin final des élections municipales, la jeunesse s’est réunie pour discuter, s’affirmer et avoir des réponses à leurs questions. Ryad et Rayân, les « grands » qui aident à la mise en place les ateliers courent partout, ils s’assurent aussi bien du bon déroulement du barbecue que de la disposition des fiches qui servent d’impulsion à la discussion aux différentes tables. 

« Pourquoi est-ce que nos avis à nous ne comptent pas dans vos décisions ? » déplore Gracias, 21 ans, au tout début d’une discussion avec Raoul de l’association JSP (Jeunesse Sportive Pontoisienne) sur l’atelier « Comment dynamiser la ville ? ». Ce sont les mêmes choses qui reviennent, la même confrontation qui dure depuis des années : le désir d’être intégré directement dans la gestion du club qui a accueilli les crampons de presque tous les jeunes du quartier. Aux propositions d’un « mix » et d’un « échange » dans les bureaux en intégrant des jeunes au personnel, Raoul leur répond qu’« il faut savoir, connaître et comprendre » avant d’avoir de telles responsabilités en pointant du doigt l’absence de certains jeunes lors de matchs importants. 

 Un peu plus tard dans la journée, c’est l’association Espace et Lumière qui prend la place de la JSP sur le même atelier. « Pourquoi vous n’accompagnez pas les jeunes ? On est là, on traîne dehors, on joue au foot… on s’ennuie » regrette Ayoub, 18 ans, face au représentant de l’association qui propose du soutien scolaire et des sorties diversifiées pour les jeunes de la ville. Le représentant se justifie par le fait que les maires succédés sont les responsables car « ils ne font rien pour aider les jeunes » et qu’il n’y a pas de soutien financier pour les associations. « Alors c’est quoi votre projet concret pour redynamiser la ville alors ? Pourquoi vous ne prenez pas des gens de chez nous en exemple qui ont un mauvais parcours scolaire et qui ont quand même réussi ? Ça serait bien pour nous… » demande Gracias, « Ça c’est une super idée, j’adore l’idée ! » lui répond le représentant avant de présenter son projet de débat sur la vie après le confinement dans le cadre du soutien envers la parentalité. 

Parmi tous les quartiers de Pontoise, seuls ceux des Louvrais et des Cordeliers communiquent et ce seulement par la proximité qui les rapproche. Autrement, il n’y a aucun lien concret entre les jeunes de Marcouville (autre quartier de Pontoise) et les Louvrais par exemple. Face à cette requête, quand Stéphanie Von Euw propose des Olympiades sportives entre quartiers, Hamo, 17 ans, lui répond en souriant : « Mais nous on le fait déjà de notre côté ça, on a fait un tournoi de foot la dernière fois ». Pour remédier à l’ennui souvent cité par les jeunes, la candidate LR annonce son projet d’une deuxième maison de quartier pour les 12-25 ans qui serait autogérée et située dans le quartier des Cordeliers : « au lieu d’aller regarder le match de foot dans des bars ou je ne sais où, vous aurez ce lieu-là, uniquement pour vous. », « ça, c’est bien ça ! » s’esclaffent plusieurs jeunes.  

Le collectif Nous la jeunesse s’insurgeait dès le mois de mars contre cette distance installée entre le « haut » et le « bas » de la ville. En haut, les habitants sont épuisés entre désert médical et les fermetures successives des petites épiceries de première nécessité. « C’est inadmissible aux Louvrais d’avoir des commerces fermés, il faut créer un marché, des commerces pertinents » selon Sandra Nguyen Dérosier lors de sa présence sur l’atelier dédié au Dynamisme. Si la candidate du PS prévoit des aides pour les commerces qu’il est nécessaire « d’accompagner », elle propose également un espace jeune qui serait ouvert le soir, mais « attention, on veut qu’il nous représente bien » prévient Ayoub

Discussion sur l’atelier Dynamisme entre des jeunes et la candidate au PS Sandra Nguyen Dérosier

Discussion sur l’atelier Dynamisme entre des jeunes et la candidate au PS Sandra Nguyen Dérosier

 Au-delà d’une frontière géographique établie entre les différents quartiers, il s’agit davantage d’une réelle barrière voire d’une fraction sociale, économique et culturelle qui fait de Pontoise une ville « scindée en deux ». Si les représentants municipaux aiment la qualifier de « ville d’art et d’histoire » en insistant sur son patrimoine moyenâgeux du bas de Pontoise où est, sans hasard aucun, installée la mairie, n’est-ce pas un moyen de fermer les yeux sur les manques et délaissements des laissés pour compte des Louvrais, des Cordeliers et de Marcouville ? C’est bien beau d’organiser des après-midis danse de salon sur les bords de l’Oise et de dédier cette place aux bars et restaurant quand on sait pertinemment à quel public s’adresse ce genre d’activités. Sont « chanceux » ceux qui ont pu grandir à l’Hermitage ou au Chou (quartiers du bas de Pontoise) quand leurs après-midis ne ressemblaient pas à celles passées sur les deux bouts de terrains synthétiques ou dans les bâtiments assis sur des chaises Quechua. Non, ceux du bas vont « boire un verre » ou s’amuser à la fête médiévale du mois de septembre. Si Sandra Nguyen Dérosier constate aussi que « Pontoise est trop bloquée sur son image de ville ancienne », les jeunes ont demandé à Stéphanie Von Euw ce qu’elle comptait faire si elle était élue pour redynamiser cette partie de la ville, la candidate leur a « retourné la question » en leur demandant « un mot pour qualifier la ville » : « ghetto », « mort », « ennuyant », ce qui a eu le don d’agacer Sofiane, 20 ans : « elle a esquivé la question là… moi j’ai pas aimé ça ». 

« Nous, notre parole ne vaut rien face à celle de la police, vous le savez très bien »
— Hamo, 17 ans

Avec le climat actuel, impossible de ne pas faire un point sur le rôle de la police auprès des jeunes lors du passage de Gérard Seimbille sur l’atelier Sécurité, apparemment étonné d’entendre que : « Nous, notre parole ne vaut rien face à celle de la police, vous le savez très bien » affirme HamoMohamed de l’association Objectif Réussite rebondit là-dessus : « on a souvent reproché aux jeunes des quartiers de manquer de distanciation sociale pendant le confinement, les flics sont venus à cinquante en criant ‘’dispersez-vous’’ aux terrains, mais les bars du centre-ville on les laisse tranquille par contre », ce à quoi rétorquait Stéphanie Von Euw qu’un des bars avait été fermé par la police à 22h en période de confinement, « ouais… après plusieurs avertissements pour eux j’imagine ? » ironise un jeune dans la foule. Finalement dans leur compte-rendu global de cette journée, malgré une faveur pour le projet de la nouvelle maison de quartier, le sentiment général est mitigé : « ouais… ils nous disent ce qu’on veut entendre, ils essayent de nous amadouer un peu. C’est facile de nous promettre ça et ça mais on n’y croit pas trop » tout en s’assurant mutuellement qu’ils iront voter ce dimanche. 

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